Choisis un GRAND PARCOURS

Kathy Malas: révolutionner la santé de demain

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Ce texte est originellement apparu sur le site du Réseau des diplômés et de donateurs de l’Université de Montréal.

Jeune femme musulmane, issue d’une minorité visible et voilée : le profil de Kathy Malas paraît bien éloigné de ceux que l’on rencontre en général dans les hautes sphères des entreprises, qu’elles soient privées ou publiques.

Et pourtant, 15 ans seulement après la réussite de son baccalauréat en orthophonie à l’École d’orthophonie et d’audiologie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et 13 ans après sa maîtrise, elle se retrouve à la tête du Pôle d’innovation et d’intelligence artificielle (IA) en santé du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM). Retour sur un parcours peu commun.

« J’ai eu de très bons mentors, des gens qui m’ont ouvert les portes, répond-elle quand on lui fait remarquer la vitesse avec laquelle elle s’est mue dans le système de santé. D’abord le professeur David McFarland qui m’a, dès l’université, laissé l’autonomie de partir une nouvelle ligne de recherche. Ça m’a permis de faire le lien entre les troubles de langage et les troubles alimentaires chez l’enfant. C’était une 1re, et ça a modifié la pratique de l’orthophonie. »

Kathy Malas

Ensuite, le président-directeur général (PDG) du CHUM, le Dr Fabrice Brunet, qui a cru en elle, en son potentiel et en ses compétences, et qui a su voir plus loin que son voile.

« Je suis dans un milieu, la santé, où il y a une majorité de femmes et beaucoup de minorités, fait-elle remarquer. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de discrimination dans ce secteur, ce serait mentir, j’en ai été témoin. Mais, et c’est ce que je mentionne aujourd’hui aux jeunes femmes dont je suis la mentore, il faut oser viser la lune, avoir de l’ambition, bien s’entourer, ne pas se laisser atteindre par les multiples barrières. Je sais que ce n’est pas facile pour tout le monde et que, dans certains milieux professionnels, c’est encore plus difficile. Mais actuellement, je suis sereine avec mon identité, même si je revendique une confession qui n’est pas très populaire. »

Une incidence à grande échelle

Travailler dans le domaine de la santé, Kathy Malas en rêve depuis toute petite. Née dans une famille d’immigrants libanais ayant fui son pays pour offrir à ses 4 enfants un avenir meilleur, elle a toujours compté parmi ses valeurs le don de soi et le fait de redonner aux autres.

Très tôt, elle s’engage socialement et, lorsqu’elle doit faire un choix au cégep, elle opte pour les sciences de la santé. Elle pense à la pédiatrie, mais c’est finalement l’orthophonie – qui touche à la fois aux aspects de la santé physique et psychosociale – qui vient combler tout autant son côté scientifique que sa passion pour le langage et la communication.

Sa maîtrise en poche, elle entre au CHU Sainte-Justine comme clinicienne-chercheuse. Elle travaille avec des enfants atteints par un trouble du spectre de l’autisme, des grands brûlés, des prématurés, des patients multilingues. Déjà très intéressée par tout ce qui touche à l’innovation, elle s’occupe également de l’organisation du Journal-Club, des réunions dont le but est de présenter un article scientifique susceptible d’ébranler les convictions de l’audience ou de modifier les pratiques en s’assurant que celles-ci sont alignées sur les derniers résultats de recherche. Très vite, elle y assure la direction du Service d’orthophonie. C’est à ce moment qu’elle se prend de passion pour la gestion.

« Quand tu es une professionnelle de la santé, tu as une incidence sur un patient à la fois, une famille à la fois, explique-t-elle. En tant que gestionnaire, ton incidence est beaucoup plus large. »

L’innovation et l’IA au cœur de la santé et de la médecine de demain

Comme si son emploi du temps n’était pas encore assez rempli, la jeune femme reprend des études en gestion de la santé. En 2014, elle participe à un hackathon. Son idée fait mouche : elle s’était rendu compte que les enfants, lors de leur 1er rendez-vous en orthophonie, performaient beaucoup moins bien que dans leur quotidien ; c’est pourquoi elle souhaitait créer une application permettant aux parents de filmer leurs enfants dans la vie de tous les jours, en y intégrant une analyse par reconnaissance vocale. Sitôt dit, sitôt fait, et elle y inclut par la suite un programme d’incubation.

La même année, le CHU Sainte-Justine ouvre des postes en innovation, et elle devient gestionnaire de la Plateforme de l’innovation et des fonctions des maladies chroniques et aiguës. En 2018, Fabrice Brunet lui propose de devenir l’adjointe du PDG au CHUM pour propulser l’innovation et l’IA au bénéfice de la population. Elle obtient le rôle de directrice du Pôle d’innovation et d’IA en santé.

« Avec une équipe compétente et dynamique, je m’occupe de l’intégration de l’innovation comme vecteur de transformation et de création de valeur, des bénéfices tangibles pour les patients, leurs proches, les équipes, les organisations et la société, précise-t-elle. Bien sûr, on parle d’innovations technologiques et notamment d’IA parce que le potentiel des données massives est exceptionnel, mais aussi d’innovations génomiques, sociales, organisationnelles, etc. Si je me lève tous les matins et que je vais au travail avec joie, c’est que j’ai la certitude d’avoir une incidence à grande échelle sur les patients et leur famille avec l’ensemble des acteurs de mon organisation. »

Si elle reconnaît que l’IA présente de gros enjeux éthiques – c’est d’ailleurs une partie de son travail que de s’assurer que les innovations soient responsables – elle sait également qu’elle sera partie intégrante de la santé de demain. Parce que son pouvoir d’analyse des données permettra d’avoir une connaissance beaucoup plus fine et holistique des patients dans leur milieu réel de vie, une compréhension à 360° de leur santé sur les plans physique, génétique, social, économique, cognitif ou émotionnel. Reconnue pour son esprit visionnaire et inclusif, elle a remporté le prix Innovation de l’Innovateur en chef du Québec dans le cadre de MTL Connect 2021, un rassemblement destiné à faire rayonner les leaders en intelligence artificielle sur la scène internationale.

« Nous serons ainsi capables de mettre en place la santé 4 P, conclut-elle. Une santé préventive, prédictive, participative et finalement personnalisée. Cette personnalisation, c’est vraiment la clé de la santé et de la médecine de demain. »